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Depuis plusieurs années maintenant et avec l’avènement du streaming, les rééditions pleuvent. A tel point que certains projets reçoivent 2, 3, 4 ou même 5 versions. Alors on va se poser la question suivante : pourquoi les artistes font-ils quasiment systématiquement une réédition de leur projet ?
Pour rebooster leurs ventes et atteindre les certifications ? Parce qu’ils ont des morceaux à envoyer dans la même veine artistique avant de passer à autre chose ? Nous étayerons les deux versions avant de conclure. Le but de cet article est de faire réfléchir et non de diaboliser la réédition.
Une visée commerciale et artistique
Quel est le point commun entre 4Keus, Hornet La Frappe, Orelsan, Koba LaD, Mister V, Hatik, Dinos, Chily, Captaine Roshi, Timal, Kaza, Ninho, GLK et bien d’autres ? C’est vous l’aurez compris d’avoir envoyé au cours des deux dernières années, une réédition.
Doit-on forcément y voir un moyen de gonfler les ventes ? Une réponse négative serait mentir. Prenons « La Fête est Finie« d’Orelsan, l’épilogue de 11 titres est la suite logique de l’album. Quand on sait le travail fournit par l’artiste à chacun de ses trois albums, il est clair qu’il n’aurait pu balancer ça comme son quatrième projet solo.
De plus, la musique se consomme à une vitesse effrayante aujourd’hui. Un album a une durée de vie de plus en plus courte. Donc quoi de plus normal pour un artiste qui a travaillé sur ce projet durant de longs mois de vouloir lui donner une seconde jeunesse ? En ajoutant ne serait-ce que 4 à 5 nouveaux titres, le public va de lui-même se replonger sur les morceaux originaux du projet et ainsi permettre de remettre en lumière son travail.
C’est aussi un bon moyen pour faire augmenter les ventes. Il ne faut pas se le cacher. Au même titre qu’envoyer un clip plusieurs semaines après la sortie du LP permet de redonner un boost à certains morceaux. Mais qui faut-il blâmer ? Les artistes qui sont, malgré eux, prisonniers des ventes de leur projet ou le public qui préfère débattre des ventes prévisionnelles en première semaine plutôt que de la qualité du projet…
Bien entendu certains peuvent en abuser. Je vous avoue ne pas avoir compris pourquoi Hatik nous a par exemple livré 4 rééditions de « Chaise Pliante« (« Chaise Pliante II« est une réédition du premier, puis il a ajouté 2 titres bonus au premier volume, 2 titres bonus au deuxième avant de sortir « Chaise Pliante Edition Deluxe« avec 10 nouveaux morceaux).
Gims lui l’a fait pour essayer de battre le record de ventes pour un album de rap français avec « Ceinture Noire« . Le projet comportait initialement 40 titres pour au fur et à mesure des différents ajouts se retrouver avec 56 tracks et finir double disque de diamant. Quand à son frangin Dadju, cela lui a permis d’atteindre le triple platine avec « Poison ou antidote ».
L’exemple le plus récent est Niro avec son album « Sale Môme« sorti en juillet 2020. Le rappeur de Blois a décidé d’y ajouter 5 titres chaque mois pendant 9 mois. Grâce à cette démarche, il va bientôt pouvoir atteindre le disque d’or pour cet album.
La fin du format album
Avec les modes actuels de consommation de la musique, le CD tend à s’éteindre. Avec l’avènement du streaming, les rappeurs s’intéressent de moins en moins à savoir si ce qu’ils sortent est un album, un EP ou une mixtape. De toute façon ce qui fera streamer c’est de se retrouver en Playlist donc on se retrouve plus avec des compilations de morceaux comme le dernier projet d’Alonzo qu’avec des projets cohérents bien que des albums comme « Trinity« de Laylow ou « UMLA« d’Alpha Wann prouvent que tout le monde n’a pas encore succombé.
Des artistes comme Maes, qui sortent un album par an et demi, préfèrent rajouter à leur dernier album les inédits qu’ils envoient après la sortie du projet. C’est ainsi que « Les Derniers Salopards« , qui contenait initialement 14 morceaux, en compte aujourd’hui 19. Koba LaD a lui aussi utilisé ce procédé avec « L’Affranchi« son deuxième album en ajoutant le morceau « Four » avant la sortie d’une réédition 5 mois plus tard.
On finira en parlant de 2 cas de figures différents. Pour commencer Dinos avec son album « Taciturne« , qui a beaucoup tourné dans nos oreilles et, qui en dépit de jolis scores ne s’approchait pas du disque d’or malgré les 4 titres bonus de la version physique ajoutés sur les plateformes de streaming. Le rappeur du 93 a choisi d’envoyer « Taciturne, Les Inachevés« qui ne présente il faut bien se le dire pas grand intérêt. 10 morceaux non retenus pour l’album et même pas terminés pour certains. Cette réédition a permis de mettre un nouveau coup de projecteur sur le projet qui a fini par être certifié disque d’or quelques mois plus tard.
Pour Ninho et sa mixtape « M.I.L.S. 3« , la réédition a été l’occasion de se tester à la drill sans prendre de risque en termes de vente. 6 nouveaux titres ajoutés avant de prendre sa pause musicale.
Et chez les américains ?
Vous vous doutez bien, que si c’est à la mode chez nous, nos amis outre-Atlantique ne sont pas en reste sur les rééditions ou plutôt les versions deluxes comme ils les appellent. Alors soyons clairs, quasiment toutes les têtes d’affiches l’utilisent et en abusent, de Nav à Gunna en passant par Rod Wave, Justin Bieber ou Pop Smoke, tout est bon pour atteindre de nouvelles certifications.
On se retrouve avec de nouveaux albums comme « PTSD (Deluxe)« de G Herbo (album qu’il faut absolument écouter) qui compte 14 titres de plus que la version initiale qui comptait elle aussi 14 titres ou « Music to Be Murdered By : Side B » d’Eminem qui rajoute 16 tracks au 20 existantes et qui a la particularité d’être meilleure que la version originale.
On pourrait aussi citer le cas Justin Bieber qui a envoyé son dernier projet « Justice« le 19 mars. Un album beaucoup plus touchant et réussi que « Changes » sorti l’année dernière grâce notamment à la présence d’une floppée d’artistes de talent parmi lesquels The Kid Laroi, Chance the Rapper, Burna Boy, Khalid… On pouvait penser qu’il allait laisser le projet vivre avant d’envisager une version deluxe. Le 27 mars, soit une semaine plus tard, on voit arriver « Justice (Triple Chucks Deluxe)« avec 6 titres inédits et la participation de Lil Uzi Vert, Jaden, Quavo, DaBaby et Tori Kelly. Un casting XXL qui rejoint un autre casting XXL.
En conclusion
Si des rappeurs comme Sadek ont clairement affirmé qu’ils ne sortiraient jamais de réédition et que ce n’était pas leur vision du rap, de plus en plus d’artistes utilisent ce procédé. Même un artiste comme Laylow nous enverra dans les prochains mois une réédition de « Trinity » .
Si dans certains cas, elle n’apporte pas de grand intérêt, elle nous ramène de nouveaux morceaux de nos artistes favoris et même parfois quelques pépites (comme Kekra sur la réédition de « Freebase 4 »). Alors prenons ces cadeaux sans trop nous poser de questions. Il faut mettre de côté l’intérêt qu’on porte aux ventes et les artistes cesseront d’eux-mêmes d’utiliser ce concept, mais bon quand on voit le public plus occupé à parler des scores du dernier album de Booba que de son contenu, on se dit que c’est encore loin d’être gagné…