Dernier tour de piste pour Seth Gueko avec l'album "Mange tes morts"

Le dernier tour de piste de Seth Gueko avec « Mange tes Morts »

Avec 18 ans de carrière, Seth Gueko a une belle discographie derrière lui et il vient de raccrocher les gants avec son dernier album « Mange tes morts ». Un opus de 20 titres sur lequel on retrouve pas mal d’invités, mais est-ce un bon projet pour tirer sa révérence ?

Une carrière longue comme le bras

Originaire du 95, Nicolas Salvadori connu sous le nom de Seth Gueko a traversé les époques du rap français. Depuis la sortie de son tout premier EP « Mains Sales » en 2004, Seth a évolué, passant du statut de rappeur de mixtapes, qui aimait performer sur des tracks avec un maximum de rappeurs à une époque où il jouait sur le personnage forain au sein de l’écurie Néochrome, à un barlou qui reprend les codes des bikers avec des punchlines grivoises dont il est le seul à avoir le secret.

Malheureusement, depuis quelques années, et ce malgré toujours des gros morceaux qualitatifs, le niveau de ses textes avait tout de même baissé et la qualité de ses albums s’en faisait ressentir. En parallèle, il avait décidé de monter notamment un salon de tatouage et une chaîne de restauration; d’abord le Petit Phuket, restaurant thaï, puis le Barlou Burger dans sa ville de Cergy et récemment à Marseille. C’est dans ces conditions que le dernier album de Seth Gueko est annoncé.

Une promo quelque peu entachée par les critiques de certains et surtout de son ancien ami de toujours 25G suite à son défilé dans une église. Mais ce n’est pas quelques mots qui vont arrêter le barlou. 4 semaines de transformation physique aux côtés de Eric Favre afin d’être en pleine forme pour le shooting photos de Htag Art à la réalisation de la cover et un retour aux sources avec un album ayant pour titre « Mange tes morts »; une insulte gitane employée à maintes reprises auparavant dans ses sons.

Transformation de Seth Gueko

Un casting XXL

A l’inverse de Sinik qui reprochait aux autres rappeurs de ne pas répondre favorablement à ses invitations depuis que son buzz a diminué, Seth Gueko a continué à recevoir beaucoup de force et à pouvoir ramener une flopée de guests sur ses précédents projets, malgré quelques difficultés comme il l’a expliqué en interview, avec un pic sur « Destroy » qui contient 16 invités pour 20 tracks. Une façon de meubler un peu des textes qui ne sont plus au niveau de la grande époque.

Pour « Mange tes Morts » , ce sont 18 rappeurs de l’ancienne et la nouvelle école qui viennent lui prêter main forte tout au long des 20 19 pistes. Beaucoup de rappeurs car Seth Gueko voulait faire plaisir à son public qui lui demandait de refaire un projet comme à l’époque de « Barillet Plein » avec énormément d’invités. Ici, les featurings vont de AKH et Le Rat Luciano à Kanoé et Dala en passant par Souffrance, Caba & JJ, Lefa ou Youssoupha sans oublier son fils Stos. Certains sons sortent du lot, notamment celui avec Souffrance ou « Morts sous la même étoile » avec Akhenaton & Sat, quand d’autres sont vite oubliables mais sauront sûrement trouver leurs auditeurs.

Casting xxl également du côté des beatmakers, Seth Gueko a fait appel à pas moins d’une quinzaine de producteurs avec entre autres DJ Weedim, Mr Punisher, Hits Alive, Mousta ou encore Maj Trafyk pour des prods majoritairement boom bap mais pas que car comme il le dit sur le son avec Kanoé « J’fais d’la boom bap, de la drill et d’la trap… ».

Des textes mitigés

Quand on pense à Seth Gueko, on pense tout de suite à l’art de la punchline et des placements. Des phases salaces avec souvent des doubles sens et des jeux de mots que l’auditeur se prend telle une fac… enfin bref t’as compris. Malheureusement, beaucoup de lourdeurs d’écriture qui passent plutôt moyennement comme « j’ai jamais dit que tu étais une pute mais tu as vu plus de merguez que le barbecue de Patrick » ou « peut on dire que le remplis le lave-vaisselle si je prends la femme de ménage en levrette » . Certes, la salacité a toujours été sa tasse de thé mais le niveau a déjà été plus élevé…

On peut également souligner quelques phases faciles et recyclées comme « Toi pour clipper à Font Vert, il te faut un fond vert », dont Soso Maness a d’ailleurs eu plus ou moins la même idée en plus développée sur son dernier projet « Réelle vie, y a pas d’fond vert (Vie réelle) à part sur le poignet d’la Rolex Hulk. 13014, Cité Font Vert, naître ici, c’est comme jouer à la roulette russe » ou encore faire rimer voie lactée et voix lactée comme si ce n’avait pas déjà été fait 36 fois.

Bienheureusement il a gardé des réflexes d’écriture pour relever le niveau « toutes les femmes sont des fontaines, il faut juste le bon sourcier » , « t’es la terreur de ta ville mais ta mère te regarde comme l’erreur de sa vie », « J’ai toujours cru qu’Link s’appelait Zelda, c’est l’effet Mandela ». Il va même jusqu’à taquiner gentiment son fils « j’suis pas homophobe j’ai un fils qui fait de la zumba » . Les refrains sont aussi, pour la plupart, efficaces et entêtants.

C’est toute l’ambivalence de cet album, on est partagé entre un sentiment de bonheur de découvrir des nouveaux morceaux et une part de déception devant la qualité de certains d’entre eux.

Un esprit hip-hop

Malgré tout, Seth Gueko reste un véritable kiffeur de rap. Il n’a pas la pudeur de beaucoup de ses compères pour aller demander des feats à ses confrères. Quand il kiffe un rappeur, il va le follow et lui envoie un message. C’est ce qui s’est passé avec Josman et c’est comme ça qu’il a fini sur le dernier album « M.A.N. » . Le featuring avec AKH s’est fait tout aussi simplement, l’instru lui a rappelé « Nés sous la même Etoile » de IAM et il lui a envoyé en lui demandant s’il était chaud de poser dessus. Un vrai esprit hip-hop.

Quand il aime un morceau, il le met dans son album comme ça a été le cas pour « Krakoukass » avec Dala signé sur le 92i et avec qui il a plusieurs fois collaboré auparavant. Ce qui a rendu fou Booba qui se plaint de ne pas avoir été contacté pour autoriser la présence de la connexion. On se souvient que Seth avait été une victime collatérale du clash B2o/Rohff quand le DUC avait envoyé une photo de l’ex femme du Gueko avec Rohff quand ce dernier était venu rendre visite en Thaïlande à son ami. Pour ce son, Booba a menacé de faire enlever le projet des plateformes, mais finalement seul la track a été retirée… Le Gueko n’a pas daigné en parler depuis. Avec le rappeur de Miami, il est difficile de suivre avec qui il est en froid ou non, d’autant plus que sur le titre « Chtiliben » on peut entendre « Qu’est-ce que ça peut t’foutre si j’apprécie Kopp ? »

Etant son dernier album, il est désormais encore plus loin des clashs et de tout ce qui touche au rap game. Sans prétention, il continue de faire la musique qu’il aime aux côtés de plusieurs générations puis sans nul doute qu’il continuera d’être invité et de faire du rap par la suite.

Seth Gueko feat Dala – Krakoukass

Une belle outro pour se retirer

On finira sur une bonne note en parlant du morceau « Le Tigre qui Pleure » qui est l’outro de l’album. Le tigre qui pleure est un plat traditionnel thaïlandais possédant plusieurs légendes sur l’origine de son nom, mais ici le tigre fait référence à Seth Gueko qui s’exprime sans filtre. Le rappeur ne s’est que peu livré au cours de sa carrière mais les rares fois où il l’a fait, il a su toucher l’auditeur comme sur « Un Couple Impair » qui parle de son père qui a abandonné le foyer.

Sur « Le Tigre Qui Pleure » , il revient sur ses relations avec son fils et la Thaïlande et sur ce qu’il s’est passé avec son ex-femme. Longtemps en couple avec une thaïlandaise, ils se sont séparés et alors que ses enfants étaient en France, il semblerait que leur mère soit venue les chercher pour les ramener en Thaïlande sans son accord… Une sincérité dans l’écriture et l’interprétation qui touche l’humain, on peut presque l’imaginer devant sa feuille les larmes aux yeux car oui ça pleure un barlou. Seul point positif à cette histoire, il semble depuis avoir trouvé chaussure à son pied. On remercie Fianso de l’avoir poussé à faire un tel son.

Ça pleure un barlou
Ça à mal un barlou
Ça saigne un barlou
On est des humains avant tout

Conclusion

Malgré quelques défauts, l’album reste tout de même une belle porte de sortie et probablement un de ses projets les plus efficaces de ces dernières années. Si on est moins convaincu par certains feats et certaines phases un peu « lourdes et faciles », Seth Gueko arrive encore à prouver qu’il maitrise son art comme sur l’intro qui sample « Put It On » de Big L ou sur « Last Poètes » & « Nouvelle Géné » avec Benjamin Epps & Souffrance. Il a qui plus est la lucidité de savoir qu’il est compliqué pour lui de pouvoir être pertinent sur 1h avec ses textes caractéristiques d’où le casting XXL. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est difficile de savoir ramener les bons artistes tout en restant cohérent et faire plaisir à son public, l’expérience de Seth a été primordiale pour faire les bons choix. Ramener une légende comme Akhenaton prouve aussi le respect du game pour notre Barlou national.

Cette année les rappeurs qui annoncent leur dernier projet sont de plus en plus nombreux, mais pour le moment c’est bien celui de Seth Gueko qui a fait le plus parler, difficile de passer à côté de sa promo et de toutes ses interviews il faut dire… Et toi t’en penses quoi de ce dernier album ?

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