404Billy : rappeur provocateur avec BLKKKK Van Gogh et Mr.AAA

404Billy : simple provocateur ou vrai rappeur ?

Aujourd’hui, on se retrouve pour un sujet plus épineux sur un rappeur qui a eu son nom sur toutes les lèvres encore cette année : 404Billy. Cela fait un moment qu’il n’y a pas eu d’article et ça faisait également un moment qu’on voulait en parler donc ça tombe bien. Rappeur, provocateur, homophobe, mouton noir et j’en passe, tous ces termes lui sont attribués mais qu’en est-il vraiment ?

Un rappeur technique et validé depuis des années

Beaucoup d’auditeurs ont découvert 404Billy grâce à la trilogie “BLKKKK Van Gogh” qui a débuté en 2022. Le rappeur de Villiers-le-Bel a pourtant des années de pratique dans les jambes avec plusieurs freestyles et projets solides dont le premier “Hostile” datant de 2018 et qui avait fait du bruit dans le microcosme des connaisseurs du rap.

On peut aussi noter sa présence en 2015 sur la mixtape du média OKLM. Déjà à ses débuts, on avait affaire à un mec sombre et technique, découpant les instrus avec déjà quelques phases aiguisées notamment contre l’industrie et petites piques envers les rappeurs comme Bigflo & Oli, Lil Uzi Vert etc. Sans oublier, une volonté d’évoluer en indépendant qui n’a pas bougé des années après. Depuis, beaucoup de ces archives ont disparu de la toile avant de réapparaître pour certaines, sûrement pour tourner la page.

Le rap a beau me plaire, les codes se perdent
J’viens dans leur bureau, négro, j’refuse leur offre de merde

404Billy : “404”

On pouvait croire que sa collaboration avec Damso sur “Rvre” ainsi que par sa participation à la tournée de “Lithopédion” en première partie ou encore à “Rentre dans le cercle”, la carrière de 404 allait exploser.

Mais, comme certains, le rappeur du 95 a préféré prendre son temps pour continuer à développer son univers avec une succession de projets contenant notamment un feat avec PLK sur “10” et une série de freestyles jusqu’à la sortie de la mixtape “100” en décembre 2021. Un projet qui va me laisser sur ma faim. Les propos sont déjà engagés et crus mais on sent que 404Billy se retient un peu, ne name drop plus les personnes qu’il attaque et ne tient pas à faire polémique.

Un objectif : rentrer dans le lard

La vraie question est : doit-on cautionner tout ce que dit un rappeur ? La réponse est non, je ne partage pas les points de vue de 404 Billy sur un certain nombre de sujets mais contrairement à une partie du public, je ne prends pas au pied de la lettre ses propos. Quand il dit “quelques LGBT ont milité pour leur droit pour ensuite l’imposer aux autres”, je n’y vois rien d’homophobe mais plutôt une ouverture sur la discussion autour d’un sujet qui a beaucoup fait parler. Evidement que les personnes LGBT doivent être respectées et pouvoir vivre leur vie sentimentale sans craindre des regards méprisants ou pires des agressions ; mais via ce thème-là, j’y vois un thème plus large, celui d’une société de plus en plus aseptisée où l’on ne peut plus parler de rien sans se faire immédiatement traiter de raciste/homophobe/intolérant…

On retient les nombreuses provocs comme “si j’veux pas que mon marmot soit non-binaire j’ai le droit” ou “j’suis pas homophobe des fois j’écoute Angèle”. Il faut comprendre que 404 Billy utilise la provocation pour faire réagir, il attaque sans vergogne une société française arquée sur ses positions, qui prend tout commentaire pour une agression et qui ne se remet jamais en question “les noirs vont rien changer avec leurs poings levés dans le vide, pareil pour les blancs avec leur tee shirt babtous solides” ou “j’ai dit à mon poto juif, vous êtes bien trop susceptibles, il m’a dit les noirs deviennent pareils alors dose, faut pas oublier l’esclavage mais faut passer à autre chose”.

Tout le monde en prend pour son grade. Mais rien de nouveau, vous dormiez juste il y a quelques années, ceux qui se sont vraiment intéressés à sa carrière savent très bien, que son discours n’a pas changé depuis ses débuts. Il a juste vieilli, rappe sur des instrus différentes, est devenu plus sombre, plus cultivé et surtout plus visible avec la montée en flèche des réseaux sociaux et l’évolution de la société.

404Billy : Pas de pitié pour ses collègues rappeurs

Résumer 404 à des attaques homophobes et misogynes, c’est ne rien avoir compris à sa musique. Le rappeur du 95 est avant tout ultra critique envers ses compères, coupable à ses yeux de faussement militer “allez dire à ces soi-disant dénonciateurs, que c’est trop facile de militer seulement contre l’extrême droite”. Vegedream, Tengo John, Benjamin Epps, Alkpote, Lomepal, Roméo Elvis vont tous prendre une balle perdue car il n’hésite pas à name dropper clairement ses cibles et au vu de la réponse de Tengo John on peut dire qu’il fait mouche.

Dernièrement c’est le jeune rappeur Selug qui en a fait les frais pour sa manière de rapper et quelques jours plus tard des dossiers, plus ou moins compromettants dira t-on, sont tombés sur X. On peut également noter le rappeur suisse Grëj avec qui il a été sans pitié en un seul tweet… On attend cependant des cibles un peu plus ambitieuses et avec plus de répondant pour la suite !

“j’regarde Miss France et je réfléchis à la place de la femme dans le monde”

404Billy – Flop!

Dans une époque où le rap fait de moins en moins de vagues à part quand il s’agit de violenter des femmes, 404 Billy se revendique via ses références de EPMD, Mobb Deep, 50 Cent, Booba ou encore Young Dolph; Autant de rappeurs marquants par leur technique, leur amour du rap, leur leadership mais aussi pour certains par leur amour du clash et des problèmes. Et aujourd’hui un rappeur qui parle et bah ça pose problème, n’oublions pas d’où vient ce mouvement, des soucis de NWA avec le FBI à l’engagé Mos Def en passant par “Fight the Power” de Public Enemy : “j’fais pas du rap pour que ma meuf fasse écouter à ses copines”.

Entre pop, rap et zumba, rien qu’ils basculent

J’clashe tout le monde et alors rien ne sert de polémiquer

404Billy – 22 (2017)

Des propos malgré tout à nuancer

L’objectif n’est pas de défendre 404 ni de l’attaquer, mais de défendre une vision moins orientée par les émotions. Certes quand certaines phases tournent autour du complotisme avec John Stryker, George Soros ou l’affaire Andy Warhol/Jean-Michel Basquiat, il me perd un peu et cela m’intéresse moins mais ses positions sociales destinées à réveiller les consciences et tout simplement à se questionner sur le monde qui nous entoure avec comme point d’orgue le racisme, le capitalisme et cette façon que l’on a de systématiquement se poser en victimes me paraissent pertinentes.

J’ai également pris la mesure que les propos de 404Billy peuvent heurter notre sensibilité mais quel meilleur moyen pour nous faire réfléchir ? Contrairement à beaucoup d’avis que j’ai pu lire, je ne trouve pas qu’il ait une vision rétrograde, à aucun moment, il ne porte de jugement sur l’homosexualité mais plus sur ses difficultés de compréhension sur la non-binarité, ce qui est réel chez une partie de la population qui ne peut comprendre ce dont il s’agit si elle n’y a pas été confrontée.

Je peux également comprendre qu’entendre “comme la bite imaginaire de Christine and the Queens” puisse choquer voire insurger les gens surtout ceux connaissant des personnes qui ont souffert de ne pas se retrouver dans cette binarité homme/femme. Et après tout comme on dit ; Qui sommes-nous pour juger ?

De la discussion plus que des clashs

Le précédent paragraphe m’amène à dire que plutôt que de rejeter en bloc en le traitant de “nazi” (terme vu sur X), pourquoi ne pas dialoguer au lieu de tout de suite grimper aux rideaux ? Autre exemple pour que vous compreniez, plusieurs phrases peuvent être assimilées à de la grossophobie “j’te baise pas si t’as le corps de Lizzo” , “j’veux pas que ma fille devienne obèse ça fait de moi un grossophobe”.

Travaillant dans le domaine de la santé, évidemment que le body positive me fait me poser beaucoup de questions, certes il ne faut pas stigmatiser et respecter chaque individu mais quand je vois certaines pages Insta valorisant l’obésité, je ne peux que penser aux conséquences médicales encore plus dans un contexte où le diabète devient un problème de santé mondiale et les maladies cardio-vasculaires un problème insurmontable. Pour en finir sur le “corps de Lizzo”, auriez-vous crié au scandale s’il avait remplacé Lizzo par le nom d’une meuf skinny ? J’en doute fort.

Enfin, on notera cette phase sur le dernier projet en date “ils militent contre le viol et les violences faites aux femmes, assis côte à côte avec un pédophile aux flammes” dont chacun se fera son propre avis, mais ça se saurait si beaucoup d’influenceurs, rappeurs et compagnie ne se donnaient pas un rôle plus important qu’il ne l’est sur les réseaux et autres non ?

Mr. AAA

Contrairement à la trilogie “Blkkkk Vang Gogh”, “Mr. AAA” est à mon sens le plus dénonciateur socialement parlant. Il pointe l’hypocrisie des acteurs de notre milieu du rap et de notre société plus largement, n’a pas vocation de provoquer, juste à constater les dérives d’un système, d’une société noyée dans l’information qui malgré sa diversité préfère se diviser plutôt que d’apprendre les uns des autres.

Au milieu de tout ça, des politiques hypocrites “la gauche tente encore d’amadouer les ghettos” “bien-pensance hypocrite de la gauche, le racisme dégueulasse de la droite”, une police soutenue par la fachosphère “la mort d’un petit arabe vaut un million d’euros” et des rappeurs prêts à tout pour conserver ou relancer leur buzz avec une allusion claire à l’attitude choquante de Rohff dans la manif de soutien au jeune Nahel.

Là où tu t’fais assassiner par un keuf à 17 ans
Où tout le monde surfe sur ta mort pour jouer les dissidents
Où des stars snappent avec ta mère pour prouver qu’ils sont là
S’affichent fièrement avec ta mère sous le bras

404 Billy : “Authenticité”

404Billy s’ouvre plus qu’à l’accoutumée pour nous raconter son mal-être “j’suis tenté de boire quand j’me mets à penser l’soir” “j’ai des démons comme toi j’dois les neutraliser” ainsi que son incompréhension devant les hommes érigés en modèle comme Bezos, Zuckerberg ou Musk. Une bastos pour Fif de Booska P qui ne fait plus grand-chose pour le rap depuis de nombreuses années si ce n’est des concepts uniquement orientés vers le divertissement via son site. Il finit enfin par une liste de personnalités accusées ou condamnées pour pédophilie et agression sexuelle car oui quand 404 a des choses à dire, il ne choisit pas les sublis.

Conclusion

Ne pas aimer 404Billy peut être compréhensible car pour beaucoup d’auditeurs habitués à un discours aseptisé de leurs rappeurs préférés, les propos peuvent choquer. D’autant plus que chacun peut prendre personnellement une phase d’un morceau au vu de la diversité des attaques. Dans un contexte où la parole de l’extrême droite se décomplexe notamment dans le milieu du rap avec des médias sur X qui balancent des dingueries, il est important de rappeler que le rap est issu de la lutte des classes, contre l’oppression et que pour parler vulgairement le hip-hop baise le FN, RN et peu importe le nom que prendra ce parti politique.

Non, être raciste et écouter du rap n’est pas possible, oui avoir un discours qui sort des clous de la bien-pensance est tout à fait acceptable. De toute façon, c’est lui seul qui l’expliquera le mieux quand il aura trouvé un moyen de faire des podcasts ou autres comme il l’a expliqué encore dernièrement au moment de publier cet article. D’ailleurs, il partage pas mal d’explications de ses paroles en story Insta, en plus de partager les rappeurs qu’il aime car oui ça arrive.

Au vu de la qualité musicale des 4 projets sortis, j’attends avec beaucoup d’impatience la suite tout en continuant à l’écouter régulièrement. En attendant son premier album qui devrait s’appeler “SAMO”, pour ceux qui souhaitent en apprendre davantage il existe une interview avec l’excellent Driver qui vaut le coup d’être visionnée. Zoin !

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