Lord Esperanza renaissance album phoenix avis 2023

La renaissance de Lord Esperanza avec “Phoenix”

Après plusieurs années sans sortir de projet, Lord Esperanza a sorti son album “Phoenix” en avril dernier. Il n’est jamais facile pour un rappeur de revenir après autant d’absence, mais quand on est un artiste complet et passionné comme lui, on se doutait à l’avance qu’il allait continuer de marquer les esprits. Alors que Lord continuera sa tournée à la rentrée, petit retour en quelques lignes sur le dernier album en date du parisien.

Lord Esperanza : Un retour attendu

Quatre années… Le temps qui sépare deux olympiades. Autant dire, une éternité à l’échelle du rap. C’est aussi le temps qui sépare la sortie du premier album “Drapeau Blanc” de Lord Esperanza du second “Phoenix”. Un intervalle de temps où l’on aura peu vu l’artiste parisien. Une période d’absence nécessaire pour vivre et revenir avec un nouvel angle d’approche musical. Participer à l’écriture d’un chanteur comme Patrick Bruel n’est peut-être pas anodin à cette envie de changement.

Très productif à ses débuts, les dernières sorties de Lord Esperanza avaient pu être parfois un peu brouillonnes et répétitives avec une envie de toucher un peu à tout qui n’a pas systématiquement donné des choses réussies et qui, de son propre aveu, ne lui ont pas permis de donner des projets dont il était pleinement satisfait.

Même si on le retrouvera sur les projets du producteur Matou, Madame Monsieur, Maska avec l’excellent “Voie Lactée” ou encore Némir, deux ans et demi séparent la sortie de ses deux derniers morceaux solo. C’est le 9 décembre 2022 qu’il a signé son retour avec “Les Ombres” produit par Nino Vella, avec qui il a travaillé pour la première fois sur le morceau avec Maska évoqué plus haut, qu’on retrouve sur tous les titres de l’album et qui a apporté une vision artistique plus large de par son expérience aux côtés d’artistes très divers comme Yannick Noah, Black M, Eddy de Pretto ou plus récemment Maes sur “Fetty Wap”.

Phoenix : Un album visuel

Les projets de Lord Esperanza ne sont que meilleurs quand ils ont une identité musicale propre comme on vient de le voir avec Nino Vella sur “Phoenix” comme ce fut le cas sur “Drapeau Noir” avec Majeur Mineur également. Ce second album est sans doute celui où on ressent le plus ses influences, du boom bap parisien marqué par les débuts de la Sexion d’Assaut à de la variété comme Jacques Brel ou Vianney, Lord n’essaye pas de nous montrer qu’il est le meilleur rappeur et de son propre dire ne cherche pas à être en concurrence avec Freeze ou Alpha Wann qui sont trop loin dans leur style respectif.

La volonté est juste de créer ses propres sonorités pour raconter l’histoire d’un homme qui s’est longtemps cherché, “j’ai attendu 10 ans avant d’atteindre ma forme finale” dit-il en ouverture de l’album. Lord Esperanza ne cherche plus de validation mais juste à devenir un artiste accompli dans son art.

Un besoin de se livrer beaucoup plus important que par le passé que l’on ressent dans les thèmes très personnels abordés dans cet album. Niro avait dédié un titre à son fils souffrant d’autisme avec “Le Lion Blanc”, Lord Esperanza vient nous parler de la schizophrénie de son oncle sur le touchant “Les Ombres” où il se met dans la peau d’une personne souffrant de cette pathologie et en décrivant le regard de la société et des Hommes sur les gens atteints de cette maladie.

Notons le choix assumé d’utiliser l’intelligence artificielle pour illustrer deux de ses clips dont “Caméléon” qui comporte un bon nombre de références. Une manière de faire savoir qu’il reste à la page et vit avec son temps. D’autant plus que si on regarde bien les différents clips sortis, il semblerait qu’il y ait un fil rouge à suivre, que chacun interprétera à sa façon. Une raison de plus d’apprécier le travail réalisé pour ce nouvel opus.

De la densité et de la beauté

Les sujets abordés sont assez sombres, avec en premier lieu la mort, cette notion de postérité et de mémoire “après la mort on vit encore tant que l’on perdure dans la mémoire de nos proches”. Sans oublier l’addiction et ce besoin de fuir la réalité avec des sentiments de solitude, d’abandon ou de peur sur des titres comme “Caméléon”, “Solitaire” ou “Invisible”. On y retrouve également une grande introspection sur l’amour et le temps qui passe avec des morceaux qui finissent en dialogue, dont “Paramour” qui est sans doute le morceau le mieux écrit de l’album et le plus dense au niveau des thèmes choisis.

Mais on peut aussi citer le morceau “Black Amadeus” qui traite du racisme malheureusement toujours autant présent. Même si la performance de Médine n’est pas l’une de ses meilleures, la plume est fine et sincère.

Tout du long, il est question du combat contre soi-même, cette lutte intérieure pour ne pas sombrer, maintenir la tête hors de l’eau malgré les souffrances personnelles, trouver du positif derrière les galères de la vie pour avancer. On sent un homme qui se questionne énormément, qui doute de lui et de ses choix mais qui sans cesse se remet en question pour donner le meilleur de lui-même. Le dernier morceau “Jamais Assez” peut être vu comme un porte-étendard de la souffrance et je pense que beaucoup de gens se reconnaîtront dans les paroles, dans ce “chant des enfants rejetés”. Une analyse qui permet de se déconstruire pour renaître. Et si c’était ça la définition du phoenix.

N’oubliez pas qu’la victoire n’est qu’une défaite qui insiste
On essaie d’vivre libres, enfermés dans c’qu’on n’est pas

Lord Esperanza – Paramour

Conclusion

“Phoenix” de Lord Esperanza est une des bonnes surprises du premier semestre 2023. Le rappeur parisien a réussi le pari de revenir avec une recette plus intimiste et un casting d’invités triés sur le volet : Némir, Lefa et Médine. De plus, Nino Vella a fait un taf monstrueux à ses côtés. Ce projet est un album au sens noble du terme, ce n’est pas une suite de morceaux où l’on passe d’une zumba à un egotrip mais bien un enchaînement de titres cohérents qui suivent un fil conducteur et qui nous racontent une histoire.

Cible facile il y a quelques années de certains chroniqueurs qui aujourd’hui ont disparu de la circulation et dont nous ne mentionnerons pas le nom, Lord Esperanza a su mener sa barque pour ne pas s’échouer en nous livrant un album qui s’écoute sur la durée et dont les écoutes nous font découvrir à chaque fois de nouvelles références et allusions qui épaississent encore les propos de l’artiste.

Un petit peu de lecture ? On vous conseille ces livres sur le rap français.

Total
0
Shares
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
T'en veux plus ?