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Ces dernières années, Sadek a beaucoup fait parler de lui mais malheureusement bien souvent pour les mauvaises raisons. Après une mauvaise passe, il est revenu en grande pompe sous ses meilleurs jours et a déjà sorti les projets “Changement de propriétaire” et “Ouvert tout l’été” cette année. Un retour en force apprécié qui présage encore du lourd à venir. Revenons sur la carrière tumultueuse du rappeur.
Départ en fanfare
La carrière de Sadek dans le rap français avait tout pour devenir celle du futur rappeur numéro 1 à écouter les médias de l’époque. Associé à ce qu’on a appelé La Relève, une génération qui devait permettre au rap de revenir sur le devant de la scène musicale française, avec comme point d’orgue la Booska Tape qui regroupait la quasi-totalité des concernés. Sur “Mektoub” il rappait “j’ai promis au quartier que je ne ferai jamais de coup bas, que d’ici 2 ans je serai même plus fort que Booba.” Cette phase résume à elle seule l’ambition du rappeur qui voulait être une tête d’affiche.
La première tape “La Légende de Johnny Niuuum” est un succès d’estime porté par “4 Sorties de Flow” – une leçon de rap – et “On Dit Quoi Gros”, qui tournera même sur Skyrock avec de gros featurings comme Niro ou Soprano. L’album qui suit est donc attendu et sort en 2013 : “Les Frontières du Réel” qui sera un réel échec. La faute à une DA assez étrange, on alterne les morceaux “humoristiques” comme “C’est Pas Grave”, des morceaux qui veulent faire réfléchir comme “Secret” et des connexions pas réussies comme “Pay Me” feat Meek Mill. Sadek reviendra dessus à plusieurs reprises en reconnaissant ses erreurs.
Des années en dent de scie
Il faudra 2 ans avant la sortie d’un nouveau projet officiel. Deux mini tapes gratuites pour se remettre en jambe avant “Johnny Niuuum Ne Meurt Jamais” porté par le morceau “NRV” qui tournera beaucoup mais qui ne pourra suffire à lui seul à un projet encore une fois assez inégal. Les caméras vont alors se tourner vers de nouveaux rappeurs dans une époque où le rap devient cool et à la mode, et quand Sadek sortira enfin un vrai projet complet avec son deuxième album “Nique Le Casino“, la hype est passée et les médias se seront majoritairement détournés de son rap.
Pourtant l’album qui suivra “Vulgaire, Violent et Ravi d’Être Là” finira platine et possède “la plus belle pochette du rap français” dixit Driver. Il faut bien se rendre compte que le run du rappeur du 93 entre 2016 et 2017 frôle la perfection, il réussit enfin à faire des gros tubes comme “Andale” feat Gradur, “Madre Mia” feat Ninho, “La bise” feat Brulux ou encore “Napoli”, ainsi que d’énormes morceaux de rap “La Vache” , “Petit Pince” ou l’intro de “VVRDL” “Bender” qui est sans doute la meilleure de sa discographie.
Il faut préciser que Sadek accorde une attention toute particulière à l’intro de ses projets. Comme il l’a expliqué en interview, c’est la première chose que va entendre l’auditeur et il faut le marquer.
La chute
Finalement, on se dit que Sadek va avoir la place à laquelle beaucoup le voyaient 4 ans plus tôt. En parallèle de sa carrière musicale, il tourne en 2016 “Tour de France” au côté de Gérard Depardieu, ce qui lui permettra notamment d’être nominé aux Lumières de la presse étrangère en 2017. Tout se passe pour le mieux en surface. Pourtant, en proie à ses démons et à une consommation d’alcool assez importante, à partir de 2018, Sadek va enchaîner les erreurs comme lorsqu’il va se battre avec un automobiliste dans un état second ou quand il va descendre sur Lyon agresser l’influenceur controversé Bassem en 2020, agression pour laquelle il passera plus d’un mois en détention provisoire.
L’année 2018 sera musicalement marquée par la sortie de “Johnny de Janeiro“, un album de funk brésilienne, qui commence seulement à recevoir des éloges positifs plus de 5 ans après sa sortie. Le projet ne sera pas compris à sa sortie, la majorité du public n’étant pas encore prête au virage artistique et aux nouvelles sonorités malgré la présence d’une référence de la discipline MC Bin Laden, beaucoup penseront qu’il s’agit d’un troll au vu du nom du rappeur brésilien, et de quelques morceaux très réussis comme “Bep Bep” ou “Zepek”. Un passage à vide qui l’amènera à un nouveau chapitre de sa carrière.
Sadek : Mourir pour mieux renaître
Après trois années compliquées, à l’écart des médias sauf pour des problèmes extra-musicaux, Sadek va nous prouver une nouvelle fois qu’il a de la ressource. Toujours au sein de l’écurie Rec 118 comme depuis le deuxième album, “Aimons-Nous Vivants” est un aboutissement artistique. 20 titres entourés d’artistes qu’il apprécie humainement et musicalement. Des morceaux plus légers mais bien réalisés comme “Aller Retour” , un kiff d’auditeur en invitant Ali sur “Guérison” et une complicité derrière le micro toujours aussi forte avec Ninho. Certes le projet ne fera pas de gros scores mais Sadek va regagner l’amour du public rap, de celui qui ne suit pas les tendances et a encore une oreille musicale pour savourer les bonnes choses.
Si dans ce projet et dans les interviews, on sent un homme plus apaisé qui cherche à tirer le meilleur de lui-même et à s’éloigner de son mode de vie des dernières années, quelques mois plus tard, le même été, on aura quand même le droit à un petit clash avec Booba histoire de ne pas perdre les bonnes habitudes puis il va également s’emporter contre son ex-ami Leto en employant des termes insultants et dénigrants en vidéo.
Il s’ensuit une pause musicale et de quasi tout réseau de plus d’un an entre “Mauvais Garçon” de la compile “Classico Organisé” et son retour fracassant via une communication léchée et réfléchie. Après plusieurs mois sans donner de nouvelles où on a appris récemment qu’il s’était notamment isolé presque un mois pour se couper de ses addictions et où il avait passé le plus clair de son temps à lire, Sadek a publié une photo de lui l’air hagard, avec les cheveux et la barbe négligés. Ses fans et les médias se sont enflammés en annonçant que le rappeur n’allait pas bien et qu’il s’agissait un appel à l’aide.
Que nenni, c’était pour annoncer son grand retour avec le morceau “Sicilien” en fin d’année 2022.
Changement de Propriétaire
Il y a un peu plus de 6 mois, Sadek va mettre en ligne une auto-interview entre lui et son lui du passé. Un échange d’un petit quart d’heure instructif. Point par point, il va nous expliquer son état d’esprit, reconnaître ses torts et chercher à avancer. Le résultat ? Des clips où l’on ressent une vraie touche cinématographique, des morceaux techniques et imagés. Un 15 titres en solitaire qui se suffit à lui-même et sur lequel on revient encore beaucoup plusieurs mois après sa sortie. Le projet est dense, Sadek nous parle de beaucoup de sujets sociétaux comme sur “France 24” ou “Sport de Riche”, et honore encore sa parole avec l’intro au couplet unique “A Contre-Courant”. Bref une démonstration.
Sadek métamorphosé et méconnaissable en été 2023
Acclamé par la critique, Sadek va défoncer la grande porte en prouvant à certains détracteurs qu’il n’a rien perdu et que “Aimons-Nous Vivants” n’était qu’un amuse-gueule. Le projet ne comporte absolument aucun tube et est un modèle de production. Il a été capable de s’actualiser en allant chercher de nouveaux beatmakers en vogue comme Amine Farsi ou Flem tout en conservant son identité musicale. Si vous pensiez qu’il s’agissait de son seul album de l’année, détrompez-vous, “Nique Le Casino 2” est annoncé pour la fin de l’année et “Ouvert Tout L’été” est disponible depuis le 16 juin.
Ouvert tout l’été
Second projet de l’année 2023 pour Sadek, “Ouvert Tout L’été” est à l’opposé de “Changement de Propriétaire”. Séparé en 2 parties, une première lumineuse pleine de rythmiques rapides, estivale avec l’inévitable Ninho pour le très réussi “TP”, Biga Ranx & Marrella pour encore plus d’éclectisme et une seconde plus sombre, plus trap et très egotrip où le rappeur de Neuilly Plaisance s’est fait plaisir avec une partie de la nouvelle scène rap français ThaHomey & Kaï du M ainsi que le tunisien Nordo avec qui Jul avait déjà collaboré sur “Je M’endors Mal Luné”.
Pour être honnête, on a préféré la partie jour sans doute grâce aux températures extérieures (enfin pas pour tout le monde), mais aussi car on a senti que sur la partie nuit, Sadek s’est lâché sans forcément autant se prendre la tête sur les textes comme sur le précédent album. Loin d’être une critique car le résultat recherché était différent, cette partie démontre une autre facette de l’artiste. Chez Kiasm, on le préfère dans un registre lyriciste, analyste du monde qui l’entoure ou à l’inverse léger entrain de nous raconter ses meilleures soirées.
Conclusion
La carrière de Sadek est loin d’être terminée et sera passée par des moments contrastés, des hauts à ses débuts aux difficultés à convertir en matière de chiffres un talent indéniable, jusqu’à une descente aux enfers marquée par divers excès et une souffrance extériorisée comme il le pouvait. Après avoir réussi à chasser ses démons, la renaissance n’en a été que plus belle avec plusieurs projets consécutifs aussi différents que réussis. A titre personnel, Sadek est un rappeur que j’apprécie énormément depuis le début, en témoignent les nombreuses mentions de son nom sur le site, c’est donc un vrai soulagement de le voir dans l’état d’esprit actuel.
En annonçant une suite à “Nique Le Casino” qui reste une pièce maîtresse de sa discographie pour beaucoup de gens, Sadek ne s’est pas facilité la tâche. Nombreux sont ceux à avoir proposé un volume 2 pas à la hauteur du premier, mais le niveau affiché par le rappeur du 93 et son implication dans ce projet (notamment visible sur Twitter) nous incitent à avoir confiance et à plutôt penser à ceux qui ont fait des suites d’album acclamées comme Raekwon ou Jay-Z pour ne citer que des illustres.
