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Quand un projet d’une tête d’affiche du rap us sort, on sait très bien que ça fera parler, en bien comme en mal, mais il faut aussi savoir nuancer ses propos. Que vaut l’album “Pink Tape” de Lil Uzi Vert, mérite t-il vraiment toute la hype qu’il y a autour depuis sa sortie ?
Une longue attente
Je ne vous referais pas une rétrospective sur la carrière de Lil Uzi Vert, il doit sûrement y avoir un youtubeur qui l’a déjà fait, et je précise que le but de cet article n’est pas de critiquer un artiste que je trouve très talentueux et qui a sorti énormément de gros morceaux, qui possède plusieurs projets que je trouve très complets et que j’ai beaucoup écoutés. Je souhaite juste revenir sur cette “hype” autour de “Pink Tape” le dernier album du rappeur qui a été acclamé assez unanimement par la critique et le public.
Annoncée depuis décembre 2020 dans un long live instagram, la “Pink Tape” est censée être la suite logique de “Red & White” le EP qui vient de fêter son premier anniversaire, et qui était super chaud au passage. Rouge + Blanc = Rose, comme ça je suis sûr que t’as capté pourquoi ça s’appelle la “Pink Tape”. On est donc sur presque deux ans et demi de teasing pour la suite d’“Eternal Atake” certifié platine aux USA.
Pink Tape : Une compilation trop éclectique
Le titre d’album n’est pas réellement de vigueur devant la diversité des morceaux proposés mais ce n’est pas un point sur lequel on peut ouvertement critiquer Lil Uzi Vert car aujourd’hui peu d’artistes proposent des albums où les morceaux s’enchaînent les uns avec les autres et à l’heure du streaming, une compile d’un artiste équivaut à un album. Le point sur lequel j’aimerais m’arrêter est plus le manque de créativité d’un rappeur longtemps adulé grâce à un génie créatif et une prise de risques dans les choix de flow et de prod qui marchaient à chaque fois.
En effet, les fans de rap semblent enfin accepter les artistes qui s’essayent à d’autres styles musicaux tant que ça ne ressemble pas à “Rebirth” de Lil Wayne ou “Revival” d’Eminem. A mon sens, c’est une bonne chose car s’ouvrir à d’autres horizons enrichit la culture musicale de l’auditeur et permet à l’artiste de progresser en collaborant avec de nouvelles personnes tout en permettant au hip-hop d’évoluer pour ne pas stagner et disparaître.
Mais entre un titre comme “Flooded The Face” qui sonne comme ce qu’il faisait sur son premier album “Luv Is Rage 2” et le suivant “Suicide Doors”, on se retrouve rapidement dans un sacré bordel musical qui te donnerait presque mal au crâne après quelques sons…
Un méli-mélo indémêlable
La grosse force de Lil Uzi Vert était d’être en avance sur les sonorités et de participer à ce qui allait être la tendance. Pas connu pour être le plus grand lyriciste, il a toujours possédé une musicalité ainsi qu’un univers différent des autres (comme en témoigne visuellement le trailer assez fou ci-dessous) donc quand il perd cet avantage, le projet sonne creux.
La reprise de “Blue” d’Eiffel65 sur “Endless Fashion” avec Nicki Minaj en est un exemple criant. Quand il s’essaye au rock avec Bring Me The Model sur “Werewolf” le résultat est moyen. A l’image de Youv Dee en France, le résultat est sympa à condition de ne pas aimer le rock et quand on ramène un groupe anglais reconnu, on peut s’attendre à autre chose. Faites écouter ce morceau à un fan de rock et vous verrez sa réaction.
Je ne vais même pas relever le médiocre “The End” avec le groupe de métal japonais BabyMetal qui frôle le ridicule. Les paroles machistes, l’humour raté et l’egotrip non maîtrisé ne viennent pas sauver l’album. 404Billy rappait “coupe toi la main si ton album fait 17 titres” alors autant vous dire que quand il y a 26 tracks, on trouve le temps long, très long. On est perdu dans les tentatives musicales de pas moins de 56 beatmakers. Et ce n’est sûrement pas sa lubie pour les loups-garous ou les lyrics en général qui arrivent à sauver le tout, malgré une certaine cohérence.
Conclusion
Ces quelques lignes sont peut-être un peu dures aux yeux de certains mais justes à mon sens car on parle d’une des têtes d’affiche du rap américain. A l’heure où le public valide quasiment tout ou inversement critique tout sans se poser la moindre question, il est temps de réfléchir à la musique que l’on nous propose et à se questionner sur nos artistes qui n’ont plus la musique comme principal centre d’intérêt. Ces dernières années, j’ai plus eu l’impression d’entendre parler de Lil Uzi Vert pour ses tenues extravagantes, sa présence à des défilés ou son diamant à 24 millions de dollars sur le front que pour ses performances musicales.
Il n’empêche que le projet contient plusieurs sons qui méritent plus d’attention et que j’écoute régulièrement comme “Just Wanna Rock” ou “Patience” feat Don Toliver qui est mon bijou de l’album mais le résultat global est, à mon sens, fade. Des morceaux enregistrés ici et là au grès de sa vie de rockstar qui dénotent, et ses propos n’engagent que moi, d’un désintérêt progressif de l’artiste pour sa musique.
Les projets “Barter 16 B” et “Luv Is Rage 3” ont déjà été annoncés et sauront probablement mieux répondre aux attentes des amateurs de hip-hop sans mélange farfelu… Lil Uzi Vert s’est amusé à tester divers genres sur la pink tape, on ne peut pas lui en vouloir mais on attend autre chose de sa part.
Pour finir sur une autocritique, il est possible que j’écrive ces lignes sans laisser au projet le temps de vivre, de vieillir et de mieux le comprendre et que je me fourvoie, mais ça a été écrit en accord avec ma pensée du moment et en ayant réécouté ses précédents projets ce qui n’a fait qu’amplifier mon ressenti. Si jamais je me rendais compte que finalement je trouve l’album dingue, ce qui m’étonnerait fortement, un mea culpa sera publié. J’espère faire réagir et je suis bien évidemment ouvert au débat tant qu’il reste constructif. Vous aimez le rap us ? On vous redirige vers une rétrospective de la carrière de Lil Bibby.