Oxmo Puccino L'arme de paix

Et si L’Arme de Paix était le meilleur album d’Oxmo Puccino ?

Ce samedi 23 mars 2019, le cinquième album d’Oxmo PuccinoL’Arme de Paix, a fêté ses dix ans. Traité comme le Messie par des médias généralistes et par Judas par « les gens du rap », cet effort musical du rappeur du 19ème arrondissement souffrait sans nul doute de son contexte peu propice à la nuance et à l’analyse. Le temps a clairement fait son effet maintenant, assez pour réhabiliter cet œuvre majeure dans la discographie du Black Jacques Brel.

En 2009, la France va vivre sa deuxième année de présidence  d’Extrême droite sous Nicolas Sarkozy. Ce quinquennat, qualifié de monstrueux par l’écrivaine Marie N’Dyiaye, est notamment marqué par une crise économique mais aussi sociale, d’où l’horrible grand débat (tiens, tiens) sur l’identité nationale tenu par Brice Hortefeu, ministre « de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale » en 2009…

Naturellement, le rap de l’époque est ciblé de toutes parts et chaque revendication de rappeurs est vu comme une « insulte à la nation », d’où le fameux slogan « La France, tu l’aimes ou tu la quittes ». Peu propice à la nuance, on vous l’avait dit… SniperBouchées Double ou La Rumeur parmi tant d’autres en savent quelque chose.

Pas question pour une grande partie des rappeurs d’affiner leurs propos : Les années durant lesquelles Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur puis président de la république sont à classer sous le signe du rap « lourd », légitimement virulent à l’encontre du premier ambassadeur de Kärcher en France. Voilà précisément la raison pour laquelle L’Arme de Paix est un tel OVNI au moment de sa sortie.

La fin des années 2000 est un petit pas vers la fin de certains codes essentiels au rap d’antan. L’Arme de Paix et d’autres disques, ne s’inscrivant dans aucun moule existant, symbolisent cela. La lourdeur instrumentale est remplacée par une légèreté aux accents de variété française et ces compositions dénotent complètement de l’atmosphère globale en France. 

Depuis Lipopette Bar, son quatrième album sorti dans le label de jazz, Blue Note, Oxmo est devenu un « poète » plus qu’un rappeur. Pour beaucoup en 2009, l’heure est plus à la division qu’à l’addition : on peut être un rappeur OU un poète, mais certainement pas les deux. En racontant ses histoires et ses visions de vie d’une manière peu lisible pour l’époque, Oxmo a involontairement crée un fossé entre lui et le reste de la France. Inclassable. Et Dieu sait que la France aime classer ce qu’elle ne comprend pas…

Dans le fond néanmoins, Oxmo Puccino répond aux maux de l’époque. Sa larme sur la pochette symbolise la sentimentalité du disque alors que le visage sobre d’Abdoulaye Diarra traduit une sagesse et une sérénité alors rare.

Cet album est le premier où Oxmo donne plus de réponses que ne pose de questions, préfère la sagesse à une forme de nihilisme et préfère l’harmonie au chaos. Plusieurs fois, les présents de vérité générale soulignent une certaine assurance salvatrice, à une heure de crise économique et sociale où le monde menaçait de s’écrouler chaque jour.

Cet album ne voulait pas reproduire le chaos du dehors mais amener la paix au dedans. L’Arme de Paix, c’est la lumière dans le noir, et les premiers vrais rayons de soleil dans la discographie d’Oxmo Puccino.

En 2019, sommes-nous capables d’accepter ce virement artistique ? Pouvons-nous maintenant écouter ce fameux morceau de guinguette avec Olivia Ruiz sans honte ? Mieux encore, est-il possible de classer ce disque devant Opéra PuccinoL’Amour est Mort et Cactus de Sibérie ? Cet article répond bien sûr par l’affirmative à toutes ces questions (même pour le morceau d’Olivia Ruiz) et vous invite à réécouter ce chef d’œuvre afin d’en faire de même !

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