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Véritable homme à tout faire de la 75e Session, le rappeur-beatmaker-ingénieur du son connu sous le nom de Sheldon a pris son temps pour nous servir son 2e album « Spectre » 1 an après le EP « FPS » . Est-il aussi réussi que le premier ? Vous avez probablement déjà la réponse si vous connaissez l’artiste…
Le geek du rap français
Avec des premiers projets sortis en 2015, Sheldon est loin d’être un newcomer. Il s’est appliqué et a mis du temps à sortir son premier album « Lune Noire » qui a fêté ses deux ans le 27 septembre. Un projet dans la continuité de « RPG » au niveau des inspirations et des thèmes abordés mais qui allait beaucoup plus loin avec notamment la sortie d’un petit jeu vidéo et d’une BD en parallèle. Un opus qu’il a contrôlé de A à Z, des textes au prod, Sheldon a voulu nous faire découvrir ses influences via ce projet concept.
Un univers où se mélange des mangas comme Naruto ou Death Note, les jeux vidéos comme Dark Souls ou Final Fantasy, les films comme ceux de Miyazaki ou le Seigneur des Anneaux, des romans de Jonathan Swift, des séries comme Dark, des dessins animés comme Pokemon… Vous l’aurez compris, la culture de Sheldon est large et balaye aussi bien la pop culture des années 90 que celle d’aujourd’hui. Il n’est pas question de faire une énième allusion à Tokyo de la Casa des Papel ou à Mbappé. C’est toute cette culture qu’il a mis en avant dans son EP commun avec Yung Coeur : « FPS » .
« Spectre » : la définition du projet personnel
Quand j’ai appris le 12 mai que Sheldon travaillait sur son deuxième album et qu’il serait beaucoup plus personnel et intimiste j’ai tout de suite été hypé. J’ai toujours apprécié ses précédents projets et découvert bon nombre d’animés et de jeux vidéos grâce à lui mais je restais un peu sur ma faim quant à l’humain qui se cachait derrière le micro. Jusqu’à ce projet, on n’avait que très peu d’infos sur sa vie, ses envies ou ses aspirations futures.
Première grosse surprise : contrairement à « Lune Noire » , Sheldon s’est éloigné des platines pour laisser la place au duo Epektase & Vidji qui produit la grande majorité des titres. Un choix qui a pu paraître étrange au premier abord, qui dit introspection dit adéquation entre texte et musique donc connaissant ses talents de beatmaker, il aurait très bien pu faire le taff seul. Cette prise de risque est finalement payante car les combinaisons montrent l’alchimie et la proximité entre le rappeur et les producteurs. De plus, Sheldon a ainsi pu se concentrer sur les textes et nous fournir nombre de phases recherchées.
Il nous avait promis d’être intimiste ; le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne nous a pas menti. Avec pour principal ingrédient : s’entourer des siens, de ceux qui te connaissent le mieux. 19 titres pour 5 invités : Zinée, Isha, M Le Maudit, Damlif & Shien. Un premier extrait « James Cole » en hommage au personnage de 12 Monkeys interprété par Aaron Stanford et avec pour élément central sa place dans le monde qui l’entoure puis son rapport à la solitude.
Si le premier extrait parlait de capsule pour s’éloigner dans l’espace, le second « Fumée » utilise la fusée pour emmener ses proches loin d’ici. Une volonté clairement affichée de changer d’horizon coûte que coûte et cela se passe bien sûr par l’obtention de billets. Le dernier extrait à paraître avant la sortie de l’album est le titre éponyme. Une introspection poussée au summum où il en place une pour Népal, nous parle de ses parents « maman m’a appris à créer, papa m’a appris à compter » avec toujours cette envie de partir et cette fois-ci « se poser sur le sol de Neptune ».
Un projet touchant
Tous les morceaux de l’album aborde leur petit lot d’informations sur Sheldon. Il nous parle de la paternité et des enjeux qui en découlent ou encore de sa femme dans le très beau « Mon Amoureuse » qui est un véritable OVNI dans le rap français. Sheldon vient nous rapper tout l’amour qu’il porte à sa compagne même dans les périodes difficiles, les crises et les réconciliations, le bonheur d’être avec l’être aimée. Puis de toute façon ceux qui en rigolent « ils comprennent rien parce qu’ils ont pas d’amoureuse ».
"j'veux jamais voir la tristesse dans les yeux de mon fils"
Mais le thème qui revient le plus est celui abordé dans le paragraphe précédent. Cette envie de partir qui est présent sur quasiment tous les morceaux comme sur la première phase de « Feu Rouge » : « j’veux pas vieillir dans cette ville, nan j’veux pas continuer dans ce bruit » . Son dernier clip en date « Qassar » réalisé par Les Gars Laxistes en fait encore la démonstration.
Pour finir sur ce projet, il faut parler des featurings. A l’heure où l’on se retrouve avec toujours les mêmes invités tous les vendredis, Sheldon nous a ramené des artistes talentueux que l’on est moins habitué à écouter. Chacun apporte sa petite touche personnel de la phase de Damlif sur Malinovski le numéro 10 de l’Atalanta Bergame (une référence qui nous change des allusions des rappeurs à Mbappé ou à Ronaldo), à la voix de Zinée en passant par l’introspection d’Isha dont la présence sur le projet est somme toute logique au vu de la direction artistique.
L’outro de l’album est une allégorie de la théorie de la caverne qui finit sur ces quelques mots « l’ombre est portée sur la paroi humide de la caverne, tout recommence dans un long silence, tu peux rembobiner la casette » .
Conclusion
« Spectre » est un album qu’il faut se prendre et qui est long à digérer. La richesse textuelle et musicale force à la réécoute pour en déceler des petits détails qui nous ont échappé. Il est clair que ce n’est pas à mettre dans toutes les oreilles et que cela sonne bien différemment des drill et zumba qui dominent les charts. Cependant, en s’ouvrant à nous Sheldon ouvre une nouvelle porte et comme il a pu le dire en interview cela ne veut pas dire que les projets en rapport avec l’univers fantastique qu’il affectionne depuis petit n’ont plus lieu d’être. D’ailleurs si on en croit ses dires, on aura une surprise en décembre, alors qui sait….
Cet opus peut être vu comme le bilan d’un homme proche de la trentaine qui dresse un portrait de sa vie, son passé, son futur. Une rétrospective sans nostalgie, un présent paisible et un futur qui se veut radieux. Et si c’était ça réussir sa vie ? Pour les plus fans de l’univers Pokemon, on peut aussi voir tout ce cheminement comme une évolution; de Fantominus, Sheldon est devenu un Spectrum majestueux. Avant de régner en devenant un Ectoplasma ?