Django contre lui-même avec “Athanor”. Rappeur parisien installé en Suisse, Django nous a livré son quatrième projet un an après l’excellent “S/O Le Flem” . Analysons ce projet ensemble. Si le mot Athanor vous intrigue, en voici une courte définition officielle : fourneau utilisé dans les opérations alchimiques. Il permet de maintenir des éléments à température constante pendant plusieurs semaines.
5 ans de labeur
En 2016, Django débarque et arrache tout avec “Fichu” . Un titre sombre et bien écrit qui pose les bases de ce qu’il nous servira par la suite. Le problème ? Les comparaisons immédiates avec Nekfeu. Nous allons casser tout de suite cette similitude. A part leur couleur de peau et le fait que tous les deux rappent très bien, il n’y a pas lieu de les assimiler. Ils sont plutôt comme Ying et Yang, Django représente la noirceur, celle qui détruit à petit feu de l’intérieur. Dès le départ, on ressent un homme torturé bien qu’il soit dans certaines phases dans l’egotrip.
Ce début de carrière aboutira à la sortie de l’EP “Anthracite” le 9 octobre 2017, dark aussi bien dans la musique que dans la cover et qui restera dans la lignée des premiers morceaux de Django. Le projet suivant sera un contre-pied à l’univers développé jusqu’ici. Il va se prendre la vibe Lil Peep en pleine face et en faire “Tue-Moi, Mon Amour S’il Te Plaît” un projet emo-rap bien plus intimiste où l’on va vraiment commencer à comprendre le mal-être de l’artiste.
Un an et demi de pause plus tard, le voilà de retour encore plus tatoué, crâne rasé et plume acérée. Un projet collaboratif avec Flem pour se remettre sur le devant de la scène, et quelques mois plus tard nous voici prêt à écouter “Athanor” .
Athanor : drill et souffrance
Pour commencer, arrêtons-nous sur certaines phases du projet : “plus jeune, on m’a menti, j’ai donné ma confiance, l’amitié j’en garde un goût amer” “mon vrai visage ça dépend des jours, va deviner les intentions de Kabuto” “moi mes 20 ans c’est pas ceux d’Aznavour” “regarde mon coeur, on dirait la forêt juste après l’incendie” . Vous l’aurez compris Django met en avant l’écriture via des références aussi bien de la chanson française que de la pop culture. Il parle sans émotion de la noirceur qui l’entraîne vers le fond. Le rap sert clairement d’échappatoire et il a moins de pudeur que par le passé pour nous révéler des détails plus intimes sur sa vie.
"mal dans ma peau du coup j'la colorie comme chanteur de Billie Jean"
Des détails et des sujets comme l’amour notamment, dont il est question sur cet album. Django, comme vous vous en doutez, ne va pas venir vous racontez une belle idylle. Néanmoins, le morceau “Juin” nuance un peu ce décor sombre. Django parle d’une relation passée qui lui a permis de reprendre confiance en lui, malheureusement cela s’est terminé dans la douleur et le rappeur garde une certaine nostalgie des moments heureux.
Il se libère également au détour d’une phase sur la relation complexe entretenue avec sa mère “cinq ans qu’j’ai pas bu un verre, cinq ans qu’j’ai pas vu ma mère” . Le titre dont est extrait cette phrase “Centurion” est intéressant car il montre la différence de relation avec son père et sa mère. Quand il parle de l’absence de sa mère, il la contraste avec “sans mon père j’aurais sûrement fini vaurien” .
Django : fruit de son époque
Au final, Django est facilement identifiable de par son physique mais il demeure un jeune comme il en existe des milliers en France. Un homme en souffrance qui se raccroche à ce qu’il peut pour ne pas sombrer et ne pas commettre l’irréparable. Sopico dont nous avons fait la chronique de son dernier album disait “je suis la fusion entre Nirvana et Wu-Tang” , Django serait lui quelque part entre Darby Crash et Lil Peep, des influences punk au rap.
La musique a été son subterfuge et les mots sa thérapie. Il ne faut pas voir “Athanor” comme la finalité de Django mais comme la première pierre d’un nouvel édifice qu’il est en train de bâtir. Pour preuve, il s’ouvre aux autres comme dans le reportage de Booska P ou l’interview de Mehdi Maizi. Impossible de le voir faire ce genre de choses il y a deux ans.
On sent qu’il sait où il veut aller et en continuant à rester en indépendant, il peut continuer d’agir en total accord avec sa musique, libre et sauvage. Oubliez le politiquement correct, les concessions artistiques et découvrez l’intimité de Django pendant 30 minutes. 10 titres en solo avec des prods de Cellulaire, Flem, Alpraz, Amine Farsi et ARCN. Des passages où l’on sent que l’homme va mieux mais il finit systématiquement par replonger dans ses vieux démons comme en témoigne “Neptune” l’outro du projet …
Et la suite ?
Difficile de savoir à quoi s’attendre avec Django. Il fait partie de ces rappeurs qui du jour au lendemain peuvent nous surprendre en changeant totalement de direction artistique. S’approchera-t-il un jour vraiment de la lumière au point de la toucher et laisser la noirceur de côté ? Rappera-t-il toujours ou finira-t-il par se mettre au rock, son premier amour dans la musique ? A suivre…