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Avant de passer au rap uk, au rap us et au rnb, concluons dans l’hexagone avec notre sélection “2022 en 10 albums rap français”. C’est probablement la sélection la plus difficile entre les EP/mixtapes/albums, donc par exemple pas de B.B. Jacques même s’il méritait 3 places, mais nous aurons sûrement l’occasion d’en reparler.
Cette série d’articles, écrite par Luca et modifiée/corrigée/illustrée par Nivek, n’a aucune prétention de dire quels sont les meilleurs projets de l’année, juste une sélection subjective pour laisser une trace sur la toile à une époque où tout se perd trop vite sur les réseaux sociaux… De la peine, de l’amour, de la magie, de la liberté, on l’aime ce foutu rap et quoi que certains en pensent, il n’a jamais été aussi varié et plaisant.
10 Zamdane : “Couleur de ma Peine”
Si tu es un lecteur assidu de Kiasm, déjà on te remercie, et tu sais déjà tout le bien que l’on pense de “Couleur de ma Peine” le premier album de Zamdane car tu as lu notre article consacré au projet. Plus de 9 mois après sa sortie, c’est un album sur lequel on continue de revenir grâce notamment à des morceaux comme “Tout Ce Qu’il Voulait” ou “Incomplet comme Février” .
On ne vous refera pas un détail de l’album vu que l’on s’est déjà livré à cet exercice mais plutôt une petite mise à jour. Au final, les featurings ne sont pas les titres qui restent le plus. Si vous aimez les projets introspectifs où vous découvrez qui se cache derrière l’artiste que vous streamez, vous pouvez l’écouter ou le réécouter les yeux fermés. On a hâte de découvrir ce que va nous raconter Zamdane après s’être autant livré sur cet opus !
Binks Beatz, Raplume, Kerchak, Norsacce, Soprano ou encore Zikxo (déçu de ne pas lui avoir trouvé de place d’ailleurs dans notre sélection de mixtapes), le marseillais a multiplié les connexions cette année et quand il est sur un son, on passe difficilement à côté de sa présence et de sa prestance musicale.
9 Jazzy Bazz : “Memoria”
Jazzy Bazz est trop fort, Jazzy Bazz rappe trop bien. Personne ne pourra mettre en doute ces affirmations. Maintenant, être un super rappeur ne suffit pas à faire de bons albums. Mais si t’es un amateur de rap, tu le sais déjà que le Jazzy est à la fois un grand rappeur et en plus un artiste capable de faire des projets aboutis.
Avec ce troisième solo “Memoria” , le rappeur parisien s’est rapproché de ses origines aussi bien musicalement que dans les textes. Après “P Town” en hommage à Paris, “Nuit” en référence à son mode de vie nocturne, “Memoria” est un hommage à sa famille et un moyen de nous parler plus en détail de l’homme qu’il est devenu. Le voir rapper avec ses potes Edge, Nekfeu ou Alpha Wann était attendu, Josman et Laylow beaucoup moins et le rendu est vraiment sympa. Le projet ne comporte pas de temps faible et bien qu’il soit long : 17 titres, on n’a pas le temps de s’ennuyer !
Tout comme Zamdane avec qui il a collaboré sur le projet ci-dessus, Jazzy Bazz ne s’est pas contenté de ce projet cette année. On a pu le retrouver en feat avec des artistes comme Zikxo, Doums, Prince Waly ou encore plus étonnant Serane, preuve de sa polyvalence sans limites.
8 Eloquence : “Maison Suave”
On est quasiment sûr que vous êtes passés à côté de l’album dont nous allons maintenant parler. Et pourtant, Eloquence a plus de 20 ans de carrière et a croisé le micro avec bon nombre de rappeurs bien connus aujourd’hui parmi lesquels Disiz, Alkpote, Kery James ou Lino. Assez discret en solo depuis plusieurs années, le rappeur du 91 a pris son temps pour nous livrer “Maison Suave” .
Un projet de OG, de gangster en col blanc. La cover est évocatrice de l’ambiance de l’album. Direction les Etats Unis à l’époque où la mafia règne en maître et où Frank Lucas est le boss de New-York, entouré de ses associés Tedax Max, VR The Legend, Tookie, Zook Noir, Smoker,… Eloquence nous offre pépite sur pépite. 13 titres pour 40 minutes d’ambiance jazz soul produite par CashMoneyAp, Narcos ou encore Kyo Hitachi (écoutez l’album “Solide”), une plume toujours aussi pertinente pour un rendu quasi cinématographique.
On vous invite vraiment à découvrir ce projet mais aussi les précédents si ce n’est pas déjà fait, en solo ou avec son gava Joe Lucazz.
7 Furax Barbarossa : “Caravelle”
Amis des mots bonjour, sortez votre plus beau dictionnaire, souvenez-vous de vos cours de français du collège car vous allez prendre une leçon. Embarquez sur la “Caravelle” de Furax Barbarossa pour un voyage dans le passé du rappeur. Entre haine et moment touchant notamment le personnel “Porcelaine” avec Sofiane Pamart derrière le piano où il nous parle de son père violent. On appréciera aussi la cover réalisée par Djob D. qui est l’une des plus belles de l’année.
Furax fait partie de cette catégorie de rappeur qui vit ses textes. Son interprétation rend le morceau encore plus impactant et ce qui s’apparente à une thérapie pour lui devient une leçon pour nous. On écoute les histoires d’un homme qui avance dans sa vie et qui jette un regard sur ce qu’il a accompli et ce qui a pu se passer plus jeune. Ce n’est pas pour rien que SCH l’avait choisi pour écrire les textes de José Luccioni sur “JVLIVS 2”.
Cet opus, qui a vu naître une réédition en novembre, est une sorte de journal intime que le rappeur nous a mis à disposition. Deux invités : Scylla & L’hexaler, deux rappeurs qu’il connait depuis des années, la ligne directrice est tenue jusque dans le choix des featurings. Ce n’est pas l’album le plus abordable de notre sélection mais il se devait d’être ici.
6 Kobo : “Anagénèse”
Il aura fallu environ 3 ans à Kobo pour préparer son deuxième album “Anagénèse” qu’il a commencé à bosser dans la continuité de “Période d’essai” . On sent une plus grande maturité d’écriture et de production, la signature en coédition chez Damso y est peut-être pour quelque chose.
Là où il sortait des morceaux un peu innocents parfois, ce n’est plus du tout le cas sur ce projet. Kobo va au fond des choses, nous fait faire les montagnes russes entre chute et envol, il nous parle sans détour de son épanouissement, de la notoriété qui continue de monter malgré l’absence qui peut paraître longue à notre époque. On suit une histoire logique de la sortie du ventre de sa mère, à la découverte de la noirceur du monde puis celle de la débrouillardise avant de trouver sa voie dans la musique pour découvrir la liberté, mais attention au ghetto qui cherche à le ramener à lui…
Par ailleurs, c’est un artiste à vraiment aller voir en concert, je vous recommande, c’est testé et validé !
5 Nessbeal : “Zonard des Etoiles”
11 longues années, c’est le temps qu’a mis Nessbeal entre “Sélection Naturelle” et la sortie de son cinquième album “Zonard des Etoiles” produit par DJ Bellek. La plupart d’entre nous ne croyaient plus au retour du rappeur du 94 malgré plusieurs annonces qui allaient dans le sens d’un nouveau projet. Une fois la nouvelle et la hype passées, il fallait que l’album soit bon car on a eu plusieurs retours d’anciens assez décevants ces dernières années.
14 titres, un nouveau feat avec Orelsan une décennie après “Ma Grosse” , une performance rapologique sur “Le Dem” avec ZKR, un tube réussi avec PLK “Un Nuage Qui Passe” et un enchaînement de morceaux comme “Génération Avirex” ou “Criminelle Balade” , dont le clip a fait partie de notre sélection en septembre et qui est sans doute mon préféré de l’année. Ne2s avait encore beaucoup de choses à nous dire et plusieurs mois après la sortie, on se laisse encore surprendre par quelques phases non décelées et des textes si bien écrits et interprétés.
Le Maroc est le premier pays africain a se qualifier en demi-finales de la coupe du Monde, c’est donc tout naturellement et avec fierté que Nessbeal nous emmène avec lui à Casablanca dans son single clippé inédit “Mourir à Casa”. Là encore pas grand-chose à dire, il prouve de nouveau qu’il fait partie des plus grands de ce game.
4 Disiz : “L’amour”
Encore un album dont vous pouvez retrouver une analyse en détail et que je vous incite à lire parce que je l’ai écrit donc c’est forcément super intéressant (un peu d’egotrip n’a jamais fait de mal). “L’amour” de Disiz est autant un album de thérapie pour lui que de leçon pour nous. Il peut être apparenté à un père pudique souhaitant parler des femmes et des sentiments à ses enfants mais qui chercherait un moyen détourné pour le faire.
Je ne parlerais pas d’album de la maturité parce que c’est un mot horrible et que Disiz a 44 ans mais plutôt de fine analyse de quarantenaire. Un homme qui n’a pas besoin de faire sa crise de la quarantaine car il est désormais bien dans ses baskets et qu’il a fait un “check-up” de sa vie. Un projet majeur de la riche discographie du rappeur d’Evry qui n’a de cesse de nous surprendre.
3 Beeby : “GAIA”
Comment peut-on sortir des projets aussi parfaits que ceux que nous livrent Beeby depuis des années et ne pas réussir à percer à l’échelon national ? Je n’ai absolument pas la réponse car le rappeur originaire d’Aubervilliers coche absolument toute les cases de ce qu’on demande à un rappeur : écriture, prestance, interprétation, ligne directrice, direction artistique, concert,… Bref, ne jouons pas les aigris nous avons peut-être l’occasion de présenter à toi jeune auditeur innocent le travail de ce super rappeur.
Dans la continuité de “Morningstar” court EP de 20 minutes paru en 2020, Le $aigneur sort son album “GAIA” entouré de Cinco, Chris da Vinci, Furlax, Iafleyne, Prince Waly & Tuerie puis d’un paquet de beatmakers talentueux. Après son réveil sur l’opus précédent, Beeby va nous parler de son élévation pour se placer tel un astre au dessus de la terre, de ses rêves qui côtoient ses peurs, de la place importante qu’il accorde à sa famille et des choses qu’il fait pour elle. On voyage en orbite pendant 45 minutes et on adore ça !
Il faut souligner qu’il travaille en indé’ depuis le début et que sa persévérance est exemplaire, il n’a jamais rien lâché. Chez Kiasm on est des auditeurs de la première heure, on publiait ses sorties sur un autre média et forcément on est fier si on a pu contribuer ne serait-ce qu’un minimum à son ascension, même s’il mérite 3 fois plus. Big Up à Nebja présent à ses côtés depuis le début également.
2 Médine : “Médine France”
Homme clivant, loin d’être apprécié par des gens qui pensent être des résistants en cachant du porc aux rayons halal symbolisé par le titre “Perles d’insta” , Médine a tout au long de sa carrière dû faire face à beaucoup de haine. C’est en partie ces évènements qui ont abouti à la création de son huitième album “Médine France” où l’on ressent une certaine rancune comme sur “Grenier à Seum”.
Ce projet est une déclaration d’amour à son pays mais comme dans toute relation, tout n’est pas rose tous les jours. “Allons Zenfants” parlent de cette dualité entre être fier d’être français mais ne pas forcément être d’accord avec tous ses symboles comme “La Marseillaise”, chant guerrier, et toute notre politique intérieure et extérieure d’armement. Sa ville est mise à l’hommage dans “La Puissance du Port du Havre” qui est le banger de l’album. Le rappeur de Normandie nous livre aussi des thématiques sur l’intégration et le vivre ensemble avec “Heureux comme un Arabe en France” qui clôt le projet, avant que la réédition ne rajoute 2 titres dont un nouvel épisode d’enfant du destin.
En plus de ça, même si là encore ce n’est pas apprécié de tout le monde, en 2022 Médine a, comme chaque année, animé Instagram avec des stories en famille, et ainsi fait rire des milliers de français chaque semaine.
1 Souffrance : “Tour de Magie”
Pour la seconde année de suite, Souffrance rafle la mise. Avant la sortie du projet, j’avoue avoir pensé qu’il n’arriverait pas à m’avoir comme ce fût le cas sur “Tranche de Vie” car je ne voyais pas comment il allait pouvoir faire un projet plus touchant.
Avec “Tour de Magie” , le rappeur du groupe L’uZine a su nous prendre à contre-pied. C’est beaucoup plus ouvert musicalement, moins sombre mais toujours aussi bien écrit. La plume du rappeur de Montreuil est juste bluffante. Il trouve des tournures de phrase unique comme pour symboliser qu’il compte devenir riche sur “Singe Savant” :
J’vais devenir tellement riche, les Champs, ce s’ra plus Paris
Souffrance : “Tour de Magie”
Tellement riche, les champs, ce s’ra la Bulgarie
Contrairement au précédent opus, il a décidé de ramener quelques rappeurs de son entourage : Cenza, Prince Waly, Limsa d’Aulnay ainsi que Spectacular pour un inattendu morceau de ragga “Sourire” . La patte de Tony Toxik est encore une fois notable et le binôme continue de fonctionner. Pour remixer ma conclusion de l’année dernière, je dirais : vive Souffrance et merci le rap ! Finissons en partageant le freestyle Grünt 48 où il est entouré de Prince Waly, Beeby, Cenza et Tedax Max.