Beamer et Winnterzuko entre Dystopia et Utopia Avis EP

Dystopia et Utopia pour Beamer et Winnterzuko

2021, une bonne partie de la population a regardé Squid Game mais n’a toujours pas vu “Utopia”. C’est aussi l’année où deux rappeurs commencent à faire du bruit avec leur “deep rap”, celle où Beamer et Winnterzuko sortent “Dystopia” leur premier projet en commun. Sur Kiasm on aime le rap, on aime les séries, autant faire d’une pierre deux coups. Alors parlons de Dystopia et d’Utopia (sans spoil).

Duo alchimique depuis le début

Beamer et Winnterzuko ça ne date pas d’hier. Winnterzuko, dont le blaze est tiré de “Avatar” (Zuko est l’un des persos principaux et il y a un épisode appelé “Winter Solstice” en anglais) est un rappeur masqué assez mystérieux qui s’est fait connaître sur SoundCloud. A côté de ce projet, en 2021 il a sorti 3 EP. Beamer quant à lui est membre du Summum Klan qui a sorti la mixtape “Blue Flame” en 2019 que l’on ne peut que conseiller. Cette année, il a sorti un EP solo et un EP en commun avec son acolyte JMK$.

Déjà l’année dernière on pouvait les découvrir ensemble sur “Mustang”, un son multipliant les références à la culture pop. S’ils utilisent chacun du vocabulaire anglais et du verlan dans leurs sons, les deux rappeurs parisiens semblent aussi avoir plus ou moins les mêmes centres d’intérêt : les animés, les jeux-vidéos, les séries, les films et bien entendu la musique. Ce qui nous ramène naturellement à l’incroyable série “Utopia”, un chef d’oeuvre du petit écran encore trop méconnu et qui pourtant peut fortement rappeler le moment présent.

Utopia

Sortie en 2013, il s’agit d’une série anglaise dystopique réalisée par Denis Kelly. Un virus, un vaccin, des théories du complot, un gouvernement de menteurs, de la manipulation, ça ne vous rappelle rien ? Voilà comment on pourrait résumer rapidement Utopia, mais c’est bien plus que ça. Violente mais surtout intelligente, elle pointe du doigt la bêtise de l’Homme qui continue de détruire la planète jour après jour et les conflits géopolitiques.

On y suit des personnages tous plus différents les uns des autres, mais ayant pour point commun le manuscrit “Utopia” et la rumeur d’un deuxième tome qui donne naissance à leur rencontre sur un forum. Ian pour qui cette oeuvre ouvre une porte sur l’inconnu, Wilson Wilson qui pense que la CIA a inventé le café, Grant un petit branleur qui n’a pas sa langue dans sa poche, Alice une autre gamine qui se retrouve mêlée malgré elle, Becky une étudiante atteinte de la maladie de Deel, Dugdale un bouc émissaire et surtout Jessica Hyde qui est au centre de toute cette histoire.

Et si cette fameuse “bande dessinée” ou plutôt roman graphique renfermait de lourds secrets ?

La presque obsession des deux emcees pour cette série s’est déjà faite entendre en début d’année sur “Network”. Le titre fait référence à l’organisation sans scrupule et hors de contrôle à la botte du gouvernement. Lee et Arby sont ses principaux hommes de main. Très efficaces, ils tuent comme s’ils décapsulaient une bouteille. Winnterzuko a par ailleurs expliqué récemment qu’Utopia faisait partie de son top 3 toutes séries confondues, un rappeur de goût.

En effet, elle fait sûrement partie de ce que l’on peut voir de mieux à l’écran. Le choix des couleurs, les plans de caméra, l’univers sonore, le casting, le scénario, les intrigues, il faut chercher pour lui trouver un quelconque défaut même si elle en a. Le premier étant qu’elle ne soit ni sur Netflix, Prime Video et autres, mais le principal étant le fait qu’elle ait été annulée après deux saisons, de même que le remake us, donc on ne connaîtra jamais la fin. Cependant, les deux saisons composées de 6 épisodes chacune sont folles, et même sans suite ça vaut vraiment le coup d’oeil.

Where is Jessica Hyde ?

Dystopia

Sorti le 7 octobre, cet EP se compose de 5 titres qui font donc chacun référence à la série. Dès le premier extrait “Mr. Rabbit” sorti quelques jours auparavant, le ton est donné par le titre qui est le surnom du grand méchant d’Utopia, le clip réalisé par Simon Stewart & Tanguy Didier empreinte quant à lui les couleurs et l’univers et enfin la prod d’Abel31 fait penser au genre de sonorités qu’on peut retrouver tout du long. Suffisait d’un passe-passe entre Beamer et Winnterzuko pour nous donner envie d’en entendre plus.

Sur la cover, le binôme est représenté en laboratoire dans un tube de conservation en étant surveillés de près. On peut y voir une métaphore de la société qui tire les ficelles et une énième référence à Utopia, mais vous comprendrez mieux en regardant la série.

Cover de l’EP “Dystopia” de Beamer et Winnterzuko réalisée par @eno.dia

En plus des extraits de certains passages de la série qu’il ne vaut mieux pas essayer de comprendre si vous ne l’avez pas encore vue et ne voulez pas être spoilé, pendant les 17 minutes qui composent ce projet, Beamer et Winnterzuko enchaînent les références en se comparant à Raisin Boy, Christos et Jessica Hyde, et en fuyant Mr. Rabbit et le network. Le tout sur des instrus originales signées Abel31, Traplysse, Cartier, LK, HNRO, Daniel Ness et Demna.

R.I.P Christos, j'réfléchis comme Christos
Jessica Hyde elle est dans la zone
Zinc tu vas craquer comme crackhead à te faire traquer par un drone
J'fais belek à Rabbit, aux serpents qui gravitent, je vais pas vanish dans la faune

Une société dystopique, un futur utopique

Avec ces 5 morceaux où ça découpe comme Freddy, Beamer et Winnterzuko métaphorisent leur vie à travers des phases incompréhensibles si on n’a pas vu Utopia et un minimum de culture geek. Leur regard sur la société n’est pas des plus positifs, au contraire. Un futur incertain, le passé qui colle à la peau, à deux doigts de craquer comme R.B, mais avec pour ambition de s’en sortir, d’être avec shawty et bien lotis, les acolytes tentent tant bien que mal de se sortir du “dirt” en cuisinant comme des malades dans le présent.

J'ai pas envie que le psy fasse une dépression, donc j'fais pas de thérapie

Même si vous n’avez pas vu et ne comptez pas visionner Utopia, écoutez au moins “Dystopia”, ça vaut le détour. Productifs, les deux parisiens et cette génération de producteurs ingénieux apportent encore une nouvelle vibe au rap français et ils sont loin d’avoir encore tout dévoilé. Un petit conseil, écoutez également la bande originale d’Utopia composée par Cristobal Tapia De Veer. Pour finir, si vous êtes là pour “Utopia”, croyez-moi un deuxième visionnage ne sera pas de trop, surtout à cette époque… L’idéal étant bien sûr de regarder la série et d’écouter l’EP ensuite !

Une recommandation pour une série ? C’est par ici. Envie de plus de rap après Beamer et Winnterzuko ? C’est par ici.

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